Pourquoi la gestion du changement échoue souvent en entreprise ?
Parce qu’il est si facile de faire les mêmes erreurs et d’oublier notre contexte en pleine évolution. Voici les principales causes d’échec et 2 pistes pour transformer la pratique.
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Des problèmes à l’échec
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Changer de perspective
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De la gestion à la stratégie du changement
1 | Des problèmes à l’échec
En 2021, j’ai démissionné.
Depuis 12 ans, j’accompagne les entreprises dans leurs changements et transformations. Et pendant 10 ans, j’ai eu le sentiment d’échouer un peu chaque jour. Chaque projet avait son lot de complication, chaque mandat me demandait beaucoup d’énergie et chaque transformation devenait inextricable.
Alors, j’ai démissionné. Trop de choses s’étaient accumulées en moi. Je me suis tournée vers l’entrepreneuriat dans le but de faire les choses différemment.
Aujourd’hui, j’aime dire que je ne fais plus de gestion du changement mais de la stratégie du changement.
Je m’explique.
Mes 3 problèmes en mandat
Conseillère en gestion du changement, je vivais systématiquement 3 difficultés dès le démarrage de mes mandats.
Nul n’est tenu à l’impossible.
◼️ “Remonter la rivière à saumon”
La première était ce que j’appelle “d’arriver à remonter la rivière à saumon”.
Il s’agit de trouver qui est responsable et imputable du changement pour devenir son partenaire de travail. Car souvent, le conseiller est affecté au projet et non au leader. Et le changement semble alors être délégué. Il faut donc raccrocher la locomotive aux wagons, une démarche logique mais loin d’être une mince affaire.
◼️ Rassembler les parties prenantes
Ma deuxième difficulté était celle de rassembler les parties prenantes.
Pour réussir un changement, il faut nécessairement que toutes les personnes concernées de près ou de loin soient impliquées à un moment ou à un autre. Ceci signifie que des conversations à travers l’organisation doivent avoir lieu.
Le problème est que les arrimages sont difficiles à faire. Ils sont même préférablement évités pour des raisons tantôt politiques, tantôt personnelles ou juste par mauvaise estimation de la situation.
◼️ Communiquer
Enfin, je faisais face à des équipes qui évitaient soigneusement de communiquer.
On se donnait des excuses en se disant que cela n’intéressait pas les gens, qu’ils n’avaient pas besoin d’être informés, ou que les choses n’étaient tout simplement pas prêtes. On avait bien trop de peur de soulever des questionnements auxquels on aurait été obligé de répondre.
C’est au moment de déployer le projet que les actions dites de “gestion du changement” voyaient le jour : ateliers de travail, présentation du projet, planification des formations, etc. Mais ces activités n’avaient pour effet que de vouloir faire adhérer des gens avec qui on n’avait jusqu’alors évité tout dialogue. Difficile de prendre en compte des préoccupations et doléances lorsque le projet est déjà ficelé.
En somme, il était impossible de faire de la gestion du changement.
- L’engagement des équipes de gestion était tout à fait incertain.
- Les arrimages étaient difficiles voir évités.
- Les changements étaient inchangeables.
Une pratique en bout de course
◼️ Des activités qui ne créent pas la confiance
Le but de la gestion du changement est de créer la confiance. Les activités réalisées n’atteignent pas cet objectif. Il semblerait qu’elles servent plus à cocher la case gestion du changement plutôt qu’à véritablement mobiliser les gens. Mobiliser est une idée complexe qui demande un vrai leadership des équipes de gestion.
◼️ Des conseillers démoralisés et des client insatisfaits
Courir après son client et se battre pour ses idées demandent beaucoup d’énergie. Le métier de conseiller en gestion du changement fini par devenir ingrat, d’autant plus si l’on ne voit pas la réussite de nos actions. Être conseiller, c’est aussi devenir un bras supplémentaire au projet et se voir déléguer des activités qui ne nous appartiennent pas.
Et puis au final, le gestionnaire n’est pas tant satisfait de notre prestation. Il avait dans l’idée que la gestion du changement allait faire la différence pour son projet et il n’arrive finalement pas à le constater. Il ne voit pas tant les contraintes organisationnelles et les freins culturels que sa facture s’il a fait appel à un consultant.
◼️ Un système d’appel d’offre défaillant
En parlant de contrainte, j’ajouterais que le système d’appel d’offre n’aide pas la cause. Il oblige le client à décrire un besoin fondé sur un problème qu’il ne connaît pas vraiment. Ceux qui répondent se voient alors contraints par la demande puis par les contrats qui en découle.
Pourtant, la valeur de la consultation est l’œil expert et externe permettant de détecter les vrais enjeux et de proposer une façon spécifique de les adresser.
L’appel d’offre est un système qui, à lui seul, fait effondrer toute la valeur de la consultation.
2 | Changer de perspective
L’échec vient d’un enchaînement d’erreurs.
En soi, la gestion du changement est un métier précieux et de grande valeur. Le but ultime est d’avoir des équipes heureuses, stimulées et motivées au cœur d’organisations dynamiques et engagées. Alors que devrait-on changer pour donner un nouveau souffle à cette pratique ?
Une habileté plutôt qu’une série d’activités
Percevoir la gestion du changement comme une série d’activités a pour conséquence de permettre au gestionnaire de la déléguer. Ceci participe au désengagement des leaders et ajoute des obstacles dans la rivière à saumon.
En réalité, ce qui est important, ce n’est pas tant ce que l’on fait que comment on le fait. C’est notre attitude et notre capacité à prendre soin des gens qui fait la différence. Ce que veulent les employés, c’est être écoutés et impliqués. Les activités de gestion du changement ne répondent pas à ce besoin. Elles ne créent pas la confiance pour changer.
La confiance émerge avec le leadership du changement.
◼️ Devenir un leader du changement
Savoir mener ses équipes au travers d’un changement relève de la compétence. Cela demande une capacité à inspirer ses équipes, à impliquer les gens au bon moment et à bien communiquer.
Savoir gérer un changement est une véritable compétence de gestion.
◼️ Transformer le conseiller en coach
La position de coach est plus adaptée pour développer le leadership du changement des gestionnaires que celui de conseiller. Elle permet une posture détachée du projet et tournée entièrement vers le leader.
Avec Cathy Dumont de la Fabrique des Braves, nous avons spécialement conçu une formation pour développer cette habileté de coaching chez le conseiller. Écrivez-nous pour en savoir plus.
Une pensée globale et collective
◼️ Voir au-delà du projet
Travailler par projet, c’est travailler avec des œillères.
C’est oublier que ceux à qui l’on s’adresse reçoivent plusieurs changements en même temps, pas seulement le nôtre. Cela limite la pensée globale et la prise en compte des impacts d’un ensemble de projets.
Voir le tout comme un ensemble cohérent dessinant une carte claire permet de considérer la capacité des équipes et d’éviter la saturation.
◼️ Construire le changement avec les gens
Un changement doit être construit de manière collective pour 2 raisons :
- Le rendre viable parce qu’on est toujours meilleurs à plusieurs.
- Motiver les gens à changer.
Changer ses façons de faire ou son comportement demande toujours un cheminement personnel. Aussi, la meilleure façon de mobiliser quelqu’un est de l’impliquer dès le début de la réflexion. Dans une entreprise, le principe est le même, c’est l’échelle qui change.
Respecter ce cheminement, c’est éviter de créer de la résistance. Et considérer chaque groupe d’individus comme une nouvelle perspective permet de construire un meilleur changement.
La nécessité d’une vision durable
◼️ La quête de sens
Pour arriver à changer, il faut savoir où l’on va.
Cela paraît évident et pourtant, c’est généralement manquant. La véritable raison du changement est souvent superflue, et du coup non comprise. Le pourquoi est vite évacué. C’est plus facile de créer une solution que de se poser des questions existentielles.
Cependant, les gens sont en recherche constante de sens dans nos organisations. C’est facile de se perdre à travers les méandres des projets et changements. Redonner du sens, c’est pouvoir faire un lien entre la vision, la stratégie et les plans.
◼️ Bâtir le futur
Si la vision doit donner une direction claire à suivre, elle doit aussi nous montrer quel futur on veut bâtir. Il y a derrière la question de la vision, une question de développement durable. Si on veut opérer un changement, c’est forcément pour le mieux. C’est pour construire un avenir meilleur. Et c’est exactement ce que fait le développement durable : il questionne l’avenir et les changements à bâtir.
Aujourd’hui, à travers cette quête de sens, les employés veulent voir l’engagement sociétal de leur entreprise. Et cela passe par une vision durable de l’organisation mais aussi des projets sur lesquels ils travaillent.
La vision est le fondement du changement et de l’engagement du leader.
Pas de vision claire et durable > Pas de plans qui ont du sens > Pas de changements.
3 | De la gestion à la stratégie du changement
Changer est une stratégie.
Synchroniser des gens à changer au travers d’une organisation relève d’une vraie stratégie. Cela demande une orchestration des changements et une véritable organisation sociale. Dans ce contexte, la gestion du changement relève bien plus de la stratégie d’entreprise que d’une activité de projet.
Opérer des changements, c’est savoir emmener plusieurs groupes d’individus au même endroit dans un climat agréable et dynamique. Il ne s’agit pas de faire adhérer les équipes mais de les mobiliser vers une destination commune faisant du sens pour tous.
Bâtir des changements durables.
Au-delà de vouloir gérer des changements, il faut bâtir les bons changements, ceux qui participent à un futur souhaitable. Il faut créer des changements durables qui vont permettre la mobilisation naturelle des équipes.
Un changement durable est un changement pérenne et responsable qui favorise la mobilisation naturelle des équipes et qui participe à une vision sociétale.
Bâtir des changements durables exige une combinaison de 4 éléments :
- Une vision claire et durable
- Des changements issus d’une pensée collective
- Des plans de mise en œuvre réalistes respectant la capacité des équipes
- Un leadership du changement fort et engagé.
Conclusion
Au fur et à mesure de mes échecs, j’ai vu se dessiner les solutions que je vous ai partagé dans cet article. Le métier de conseiller en gestion du changement est à bout de souffle. Si on ne se renouvelle pas, la pratique va perdre toute sa valeur, si ce n’est pas déjà fait.
Selon moi, il y a 2 avenues possibles :
Devenir conseiller en coach pour développer le leadership du changement des gestionnaires.
Devenir conseiller stratégique pour adresser les changements comme une stratégie d’entreprise.
Aujourd’hui, j’évolue dans ces 2 axes de travail. Pour concrétiser le tout, j’ai dessiné une nouvelle démarche d’intervention : la stratégie du changement durable.
Le journal des idées
Le journal des idées, c’est un peu mon journal de bord. Je partage mes idées mais aussi les vôtres avec des reportages et des entrevues dans le but de bâtir les entreprise demain.
Je répond également chaque mois aux questions de mes clients. J’écris, je fais un dessin ou je construis un outil sur le sujet de la gestion du changement.
Thèmes abordés : stratégie, transformation, gestion du changement, leadership, gestion d’équipe, responsabilité d’entreprise.
IDN CONSEIL
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